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À bout touchant

Les ailes sont prêtes

L’encapsulation des cellules photovoltaïques sur les ailes de SolarStratos est terminée. Les ailes sont arrivées à notre base de Payerne et sont en train d’être montées sur l’avion. Les vols s’approchent et nous nous réjouissons de redécouvrir enfin les airs !

Jean-François Clervoy: « Le soleil, c’est l’océan des Suisses! »

Le spationaute français Jean-François Clervoy a effectué trois séjours dans l’espace avec la NASA entre 1994 et 1999. Parrain de SolarStratos, il nous raconte son point de vue sur le projet d’éco-exploration stratosphérique initié par Raphaël Domjan.

« J’ai fait connaissance avec Raphaël lors d’un festival de conférences scientifiques à St.- Tropez », raconte-t-il. « Le courant est immédiatement bien passé et j’ai tout de suite été fasciné par son projet. Vous, les suisses, vous êtes incroyables! Hormis les tours du monde à la voile (le vent est une forme d’énergie solaire), il n’y a que trois personnes au monde qui sont parvenues à faire un tour du monde en n’utilisant que l’énergie renouvelable la plus moderne. Les trois sont suisses et ont utilisé l’énergie solaire: Bertrand Piccard, André Borschberg et Raphaël… Vous avez de l’imagination, des idées et de la volonté, c’est fantastique!

Le soleil est l’océan des Suisses! Vous n’avez pas de mer mais vous avez compris qu’il faut apprivoiser les sources d’énergie que la nature met à notre disposition, de façon illimitée, et le soleil est l’une d’entre-elles! Ensuite, il faut développer les technologies qui permettent de les apprivoiser et c’est ce que vous tentez de faire chez SolarStratos.

L’espace est un lieu très particulier. Pour y parvenir, et pouvoir y rester quelques temps, il faut d’abord des énergies considérables consommées par les fusées, puis dans la durée ne pas gaspiller et recycler tout ce qui peut l’être. Dès 20’000 mètres d’altitude, l’expérience sensorielle est très proche de celle des astronautes. Le ciel devient très sombre, même en plein jour, et l’on observe très clairement la rotondité de la terre. C’est tellement beau qu’on en pleure d’émotion!

La stratosphère est un « entre-deux » ou personne ne reste jamais. Trop haut pour les avions, trop bas pour les vaisseaux spatiaux, qui ne font que la traverser rapidement. SolarStratos y restera quelques temps, sans rien consommer d’autre que l’énergie solaire illimitée et surtout totalement propre. C’est le rêve d’Icare, mais dans ce cas le soleil sera un allié et non plus un ennemi!

J’apprécie le côté artisanal du projet SolarStratos. Je pense d’ailleurs que c’est la seule façon de réaliser un tel projet, à condition de bien respecter les règles de l’art. Un artisan a le savoir-faire, et peut travailler de façon très professionnelle sans s’encombrer d’excès de contraintes bureaucratiques . D’ailleurs, certains projets plus industriels mais très innovants, à l’image d’Apollo, sont aussi des projets artisanaux déguisés… Mais ils peuvent prendre dix fois plus de temps, coûter des fortunes et nécessitent un important soutien politique.

L’avantage d’une petite équipe, c’est que lorsqu’un problème se pose, la prise de décision est rapide et efficace. Cette approche permet de réaliser des choses impensables dans le cadre d’une grande organisation industrielle.
Pour conclure, je pense que SolarStratos est un très beau projet, mené par une superbe équipe, avec des objectifs nobles, en harmonie avec la nature. C’est clair que je rêverais de m’asseoir un jour sur le siège-passager de l’avion, mais il faut le mériter, et toutes les personnes très impliquées dans le projet le méritent amplement en priorité.

 

Electrique, ce vol !

Raphaël Domjan poursuit sa préparation en vue du vol solaire stratosphérique. Notre éco explorateur a profité de cette période de « déconfinement » pour effectuer un vol d’instruction à l’aviation électrique. Ce dernier a été réalisé en compagnie d’Olivier Dessibourg, pilote et spécialiste de cette discipline. Une belle opportunité avant de s’installer aux commandes de SolarStratos.

Mesures de précautions en place

Depuis le 11 mai, l’équipe de SolarStratos peut à nouveau effectuer son travail au bureau, ainsi qu’à la base de Payerne, avec, pour le staff administratif, un retour présentiel alterné. Pour l’équipe technique, un respect strict des moyens de protection lors des travaux sur l’avion est imposé, afin de respecter les mesures de précaution édictées par l’Office fédéral de la santé publique.

Interview de Philippe Pilloud, notre responsable des opérations et de la sécurité en vol

Philippe Pilloud est pilote de ligne et instructeur depuis plus de 20 ans. Il compte près de 10’000 heures de vol sur divers types d’aéronefs (de l’ULM au Boeing B737 et Airbus A320). Commandant de bord sur A320 au sein d’une grande compagnie aérienne, il s’occupe aussi avec enthousiasme depuis plus de 15 ans de la sécurité des vols pour cette dernière. Philippe est également au bénéfice d’un Master en transport aérien, d’une formation d’enquêteur accident et d’une formation d’ingénieur en mécanique et d’ingénieur en sécurité. Nous lui avons demandé comment se prépare la sécurité pour les vols de SolarStratos. Interview.

SolarStratos : Comment se déroule le travail des pilotes en cette fin de période de « confinement » ?
P. Pilloud : Nous attendons avec impatience que les opérations de vol puissent reprendre et les pilotes d’essai rongent leur frein… Toutes les mesures sanitaires recommandées sont mises en oeuvre et le fait de voler avec un seul pilote facilite la tâche. Nous profitons de cette pause pour peaufiner les derniers détails, revoir pour la xième fois le programme des vols, afin de ne rien laisser au hasard.

SolarStratos : Est-ce que cette préparation en vue de vols solaires est différente des autres préparations ?
P. Pilloud : Nous pouvons compter sur la solide expérience de nos pilotes d’essai et j’essaie de mettre mon expérience des opérations au service de cette magnifique aventure, afin de préparer au mieux ces vols. La préparation d’un vol suit toujours les mêmes grandes lignes ; il faut connaitre les caractéristiques de l’avion, par exemple en matière de distance de décollage et d’atterrissage, vérifier les conditions météorologiques, coordonner l’utilisation de l’espace aérien avec les autres utilisateurs civils ou militaires, etc. Les tâches à accomplir ne manquent pas. La dimension solaire de ces vols ajoute encore d’autres paramètres, tels que la gestion de l’énergie solaire disponible.

SolarStratos : En quoi consistent les mesures de sécurité, sont-elles plus drastiques que pour des vols normaux ?
P. Pilloud : Sans rentrer dans les détails, lorsqu’on met un plan de sécurité en place, il faut garder l’objectif principal en tête, à savoir de ramener les pilotes au sol en bonne santé et l’avion en un seul morceau. Je répète souvent que chaque décollage est facultatif, mais que chaque atterrissage est obligatoire. Tout est mis en œuvre pour que cela se passe le mieux possible.
SolarStratos va expérimenter des vols inédits, cela signifie que nous devons le plus possible anticiper les difficultés auxquelles nous serons confrontés. Le risque zéro n’existe pas, il s’agit plutôt de connaître les risques encourus, de les contrôler et de les gérer. L’aventure passionnante de SolarStratos nécessite une gestion des risques multidimensionnelle, qui n’est pas comparable avec des vols normaux.